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Décryptage d'expert : pourquoi le taux d'usure bloque-t-il les financements ?

Décryptage taux usure
Décryptage d'expert : pourquoi le taux d'usure bloque-t-il les financements ?

L'actualité du financement des particuliers est une thématique complexe ! C'est pourquoi nous vous proposons un rendez-vous pour tout comprendre sur l'actu du moment, Les décryptages d'Empruntis : une tribune portée par notre directrice des études Cécile Roquelaure. Dans notre tout premier numéro, notre experte répond à la question suivante : pourquoi est-il beaucoup plus compliqué aujourd’hui de décrocher son financement ?

"Après avoir atteint des planchers historiques en janvier 2022 (1% en moyenne sur 20 ans), les taux ne cessent de remonter. Ils ont plus que doublé en moins d’un an. En cause, l’évolution du coût de l’argent pour les banques. Cette augmentation a certes un impact sur le pouvoir d’achat des Français, mais elle reste limitée. Pourtant, emprunter n’a jamais été aussi compliqué. Une raison à cela : le taux d’usure.  

Lorsqu’une banque vous prête de l’argent pour votre crédit immobilier, elle emprunte, elle aussi, même si elle utilise une partie de l’épargne qu’elle détient déjà pour réaliser ses financements. Pour se financer, elle se base sur le coût de l’argent à 10 ans, car la durée réelle moyenne de conservation d’un prêt immobilier est de 8 ans environ. En se finançant sur 10 ans, elle sait donc qu’elle couvre la majorité de ses financements. Son indicateur de référence s’appelle l’OAT (Obligation Assimilable du Trésor), sur 10 ans. 

Jusqu’à la mi-décembre 2021, cette référence avait une valeur inférieure à 0 : en clair, l’argent ne coûtait rien aux banques. D’ailleurs, même la politique de la Banque Centrale Européenne (BCE) était très accommodante car les banques empruntaient de l’argent à taux négatif et payaient pour déposer de l’argent. Comme si nous vous disions qu’à présent votre épargne vous coûtait de l’argent et votre crédit vous en rapportait !

Les banques avaient donc tout intérêt à prêter beaucoup, surtout que le prêt immobilier est un excellent moyen de gagner de nouveaux clients !

Mais depuis le mois de janvier, le monde a changé : l’OAT est repassée au-dessus des 0 % rapidement et a même vu sa valeur quasiment triplée en 10 mois. La BCE a procédé à trois augmentations de taux significatives depuis le début de l’été, et ce n’est pas fini… Le coût de l’argent pour les banques a donc fortement évolué, nécessitant un réajustement des taux de crédit immobilier : à défaut, les banques vendraient à perte…

Une remontée des taux rapide mais maîtrisée

Dès début février, les banques ont donc commencé à relever leurs taux. Loin de vouloir bloquer la machine du crédit, elles y sont allées par petites touches pour une grande majorité d’entre elles. Cependant, le comité de taux qui a lieu dans toutes les banques pour définir la politique de prix du crédit pour le mois à venir et qui met autour de la table financiers et commerciaux, s’est tenu plus fréquemment (deux fois par mois ou plus régulièrement selon les banques), pour suivre de près l’évolution des taux de marché. Ainsi les taux, auparavant valables un mois, ont pu (et peuvent toujours) changer à n’importe quel moment.

Malgré tout, les banques restaient très volontaristes : pas question d’arrêter le marché de l’immobilier, bien que les nouvelles exigences du Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) soient gravées dans le marbre depuis le 1er janvier 2022 et qu’elles soient déjà une difficulté à surmonter.

En l’espace de 10 mois, les taux de crédits immobiliers ont donc atteint des niveaux plus connus depuis le 1er trimestre 2016 : 2,4 % sur 25 ans et 2,30 % sur 20 ans en moyenne.

Des moyennes qui ne sont pas toujours le reflet de toutes les banques : en effet, on note aujourd’hui 100 points de base d’écart entre la banque proposant les meilleures conditions et celle proposant les taux les plus élevés.

Si elles le pouvaient, les banques procéderaient à des augmentations plus significatives car nombreuses sont celles qui n’ont pas assez de ressources (d’argent) pour limiter l’impact de l’évolution de l’OAT. Celles qui arrivent à ne pas vendre à perte sont celles qui bénéficient de stocks d’épargne et d’argent sur les comptes chèques. Les autres perdent aujourd’hui jusqu’à 120 points de base sur votre crédit… Mais malheureusement, elles ne le peuvent pas. La raison : le taux d’usure….

Le taux d’usure : de protecteur du consommateur à empêcheur de projet 

Le taux d’usure est le taux maximum que doivent respecter les banques dans le cadre d’un crédit. Il est fixé par la Banque de France tous les trimestres, en fonction des taux pratiqués lors du trimestre précédent, augmentés d’un tiers. Il est publié au Journal Officiel.

Comprendre le calcul du taux d'usure  

Il est différent en fonction de la nature du financement et de la typologie d’emprunteur (particuliers ou professionnels). Pour le crédit immobilier ou les prêts travaux supérieurs à 75 000 €, entrent également en jeu :

Il est à comparer avec le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) et non au taux du crédit lui-même (appelé taux nominal).

Le TAEG intègre :

Comprendre à quoi sert ce taux d'usure

L'objectif du taux d'usure est de protéger les emprunteurs d’un coût du financement trop important. Mais en période de hausse des taux rapide comme celle que l’on connait aujourd’hui, il peut devenir une contrainte majeure.

En effet, sa méthode de calcul qui regarde dans le rétroviseur les taux pratiqués par les banques le trimestre précédent (et donc sur des dossiers de crédit initiés déjà quelques semaines voire mois auparavant), crée un décalage entre une situation actuelle et un historique.

Ainsi, depuis le mois d’avril, à chaque augmentation du taux d’usure, les banques essayent de rattraper la marge perdue et donc remontent d’autant leurs taux de crédit.

Depuis maintenant 8 mois, à chaque augmentation du taux d’usure, nos partenaires bancaires répercutent pour une majorité d’entre eux l’évolution sur leur taux de crédit car l’OAT ne cesse de monter. Et même si les taux restent très attractifs pour les emprunteurs, le taux d’usure trop bas contraint les banques à vendre à perte de façon importante. C’est pour cette raison que certaines banques finissent par refuser de réaliser des crédits immobiliers, attendant des jours meilleurs.

Pour celles qui poursuivent, comprimées entre le marteau et l’enclume, force est de constater que cela ne pourra pas durer. Pourtant l’impact de la hausse, même s’il n’est pas neutre, n’est pas majeur :

Un exemple (Calcul hors assurance, taux moyen au 01/01/2022 et 15/11/2022) :

Les difficultés d’accès au crédit se concentrent sur certains profils :

Changer la méthode de calcul du taux d’usure est essentiel

La première mesure pour permettre de redonner de la souplesse aux banques serait un changement de méthode de calcul pour être plus en phase avec la réalité du marché. Ainsi au lieu de calculer le taux d’usure sur le trimestre précédent avec finalement des taux de crédits octroyés entre 3 et 6 mois, il est nécessaire de calculer le taux d’usure sur les taux pratiqués le mois précédent.

A l’heure de la data, en temps réel, cette évolution permettrait d’avoir un taux d’usure plus proche des pratiques des banques.

La deuxième option évoquée par de nombreux acteurs est la sortie du TAEG de l’assurance emprunteur. En effet, la souplesse donnée aux consommateurs de changer d’assurance de prêt pendant la vie du crédit immobilier permet ainsi de ne pas graver dans le marbre ce coût. C’est le seul élément du TAEG qui peut être amené à évoluer à la baisse.

Troisième option mais qui ne semble pas en phase avec la volonté des pouvoirs publics : à période exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Le taux d’usure pourrait être modifié de façon temporaire pour permettre aux banques de poursuivre le financement des projets immobiliers sans pour autant porter atteinte au pouvoir d’achat des ménages car son application actuelle empêche tout simplement la réalisation des projets. Surtout qu’en regardant là encore dans le rétroviseur, nous avons connu des périodes où les taux de crédit étaient bien plus élevés !

Pour finir, quelques conseils pour réussir votre projet !

En attendant des décisions des pouvoirs publics ou une stabilisation du coût de l’argent, permettant de libérer l’accès au crédit, quelques bons conseils pour réussir son projet malgré tout :

Pour gagner du temps et mener ses démarches efficacement, faites appel à nos courtiers, et surtout si vous vous demandez si vous pouvez acheter, étudiez dès à présent votre capacité d’emprunt, qui sera à mettre à jour au moins une fois par mois pour vous assurer d’avoir la vision la plus juste de votre budget dans le cadre de votre recherche immobilière".

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