Le marché du crédit a été fragilisé ces deux dernières années. Les taux immobiliers ont grimpé jusqu’à 4,35 % en décembre 2023 ! Depuis début 2024, la situation tendait à s’apaiser, avec des taux revenus à 3,80% en juin, mais aussi une baisse des taux directeurs de la BCE (Banque centrale européenne)… jusqu’à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale.
C’est pour faire le point sur la situation et comprendre les liens entre crise du crédit et crise du logement que Cécile Roquelaure, directrice des études d’Empruntis, est intervenue aux côtés d’Etienne Gless, chef de rubrique Logement-Immobilier-Habitat-Cadre de vie pour Batiactu, lors de l’édition 2024 des Assises Nationales du Logement et de la Ville qui se sont tenues à la Cité Internationale Universitaire de Paris le 25 juin. Compte-rendu.
Taux Empruntis relevés le 04/12/2024
La FNAIM anticipe 800 000 transactions en 2024 (- 8 % en un an). Quelle est la photographie du marché de l’immobilier ?
Le marché se porte mieux, après deux années compliquées. Le crédit immobilier a en effet connu une crise qui s’est propagée à l’immobilier et au logement. L’OAT 10 ans (Obligations assimilables du trésor) a connu une hausse forte et rapide, beaucoup plus rapide que lors de la crise que nous avons connue en 2008. Ce qui a provoqué un blocage du marché. Mais le marché du crédit n’a été que révélateur d’une crise déjà présente depuis longtemps.
Du côté des banques, cela s’est traduit par des difficultés à s’adapter : le coût de l’argent pour elles a augmenté, et il a fallu qu’elles répercutent ce coût sur les taux de prêt immobilier, dans la limite du taux d’usure.
Problème : ce taux, au-delà duquel les banques ne sont pas autorisées à prêter de l’argent, et qui a été mis en place pour protéger l’emprunteur, est révisé trimestriellement. Or la situation nécessitait une adaptation plus rapide. Nous sommes donc passés d’un robinet du crédit qui coulait à flot, à un robinet qui ne coule plus. Par la suite, l’année 2023 a été une année difficile, et 2024 a connu un frémissement. Mais en deux ans, un ménage gagnant 4 000 € par mois a perdu 70 000 € de capacité d’emprunt.
Faut-il redouter une hausse des taux immobiliers à la rentrée, alors qu’ils tendaient à baisser ?
Le plafond a été atteint en décembre 2023, avec un taux immobilier sur 20 ans à 4,35 %. Depuis, les taux baissent, les banques recherchant un point de stabilité. La dissolution a brièvement mis "un coup de chaud" sur l’OAT. Le résultat des élections européennes est donc un premier enseignement, et la situation des taux en septembre dépend surtout des décisions qui seront prises suite aux législatives : il est possible qu’à minima, on observe un arrêt de la baisse des taux, sinon, une augmentation.
Au-delà des taux, existe-t-il des initiatives de la part des banques pour relancer le marché ?
Il y en a. Le crédit immobilier est un outil de conquête pour les banques. Les deux années difficiles qui viennent de s’écouler les poussent à se montrer conquérantes. Car même si l’on observe un frémissement, on ne parle pas encore d’accélération du marché.
Elles sont donc ouvertes à la négociation, et proposent des décotes, parfois de 40 ou 50 points de base. Elles créent aussi des produits pour accompagner la primo-accession, comme des taux bonifiés sur des crédits pouvant aller de 15 000 € à 30 000 €, selon les profils. Ces taux bonifiés peuvent aussi concerner des biens classés A, B ou C par exemple, ou être proposés si l’emprunteur s’engage dans la rénovation énergétique du logement qu’il acquiert.
Certes, ces initiatives aboutissent à des prêts parfois peu lisibles côté client, car on empile des crédits… Mais elles permettent de resolvabiliser la demande !
Quel rôle ont joué les règles du HCSF ?
Le problème du taux d’usure est réglé, mais il aura fallu 8 mois pour obtenir une solution, on a donc laissé une situation se dégrader. À l’origine, le HCSF (Haut Conseil de stabilité financière) a une mission louable. Mais en 2022, des règles du jeu identiques pour tous les emprunteurs ont été imposées aux banques. Ces règles empêchent certains particuliers d’emprunter, alors que leur profil ne représente pas de risque financier particulier.
Ainsi, les investisseurs accèdent plus difficilement au crédit, ils se retrouvent bloqués par ces règles. Le député Renaissance Lionel Causse avait formulé une proposition de loi visant à assouplir les règles d’octroi des crédits, mais l’a retirée après que la proposition a été vidée de sa substance au fil des débats. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que les banques ont besoin d’être censurées. Libérons-nous de ces contraintes !
Qu’attendre des pouvoirs publics ?
La situation est complexe, mais est-ce le moment de "déperfuser" le logement, qui est un besoin primaire ? Par exemple, on peut se poser la question de la sortie de la maison individuelle du dispositif Prêt à taux zéro pour 2024…
Par ailleurs, on parle d’exonération des droits de mutation pour les primo-accédants, dans le cadre de l’achat d’un bien immobilier de moins de 250 000 €. Cette initiative permettrait aux banques d’éviter de "surfinancer" leurs clients ou de revoir la nécessité de l’apport personnel.
Enfin, cette crise est liée à l’offre et tant qu’il n’y aura pas assez de logements, les prix resteront soutenus. Ce qui nous manque, c’est de la sérénité et de la pérennité : ce sont les premières mesures à prendre.
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